UN POEME
POUR CE LUNDI de PÂQUES
Au bord du toit, près des lucarnes, On a repeint les pigeonniers,Et les couleurs vives vacarment Depuis les seuils jusqu'aux greniers. |
Et c'est le vert, le brun, le rouge, Sur les pignons, au bord de l'eau,Et tout cela se mire et bouge Dans la Lys, la Durme ou l'Escaut. |
On bouleverse les cuisines : Des mains rudes, de larges brasFrottent les antiques bassines, L'écuelle usée et le pot gras. |
Sur les linges, les draps, les taies, Qu'on sèche à l'air vierge et vermeil,Pleuvent, partout, le long des haies, Les ors mobiles du soleil. |
Là-bas, au fond des cours, s'allument Faux et râteaux, coutres et socs;Comme de hauts bouquets de plumes Sur les fumiers luisent les coqs. |
Pâques descend sur le village : Tout est lavé, même l'égout;
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d'expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes dont il parle avec lyrisme sur un ton d'une grande musicalité. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain. |