ANAÏS
RUE DU PARADIS
ANAÏS
Elle a 14 ans, un âge que l'on dit rebelle et cynique. Privée de père, cette adolescente a perdu sa maman depuis deux ans et vit séparée de son petit frère. Le jour anniversaire de la mort de sa mère, Anaïs éprouve davantage le besoin d'envoyer un signe à la disparue. Mais comment envoyer cette prière, cette pensée particulière, un poème peut-être, ou un petit sms? Une copine lui suggère une idée, comme seules peuvent en avoir des adolescentes partagées entre le chagrin, la fantaisie et l'innocence.
--- Et si tu lui envoyais une lettre tout simplement? Peut-être que là-haut, on lit le courrier, parmi les anges?
Anaïs rédige sa lettre éplorée, la jette dans une boîte de la Poste, avec le nom et prénom de sa mère et pour seule adresse: Rue du Paradis, au ciel.
Deux jours plus tard, la lettre lui revient, au domicile de ses parents d'accueil. Le facteur n'a pas trouvé l'adresse même après avoir parcouru les hameaux environnants du village voisin qui, cela ne s'invente pas, s'appelle Ciel.
L'administration a inscrit le très prosïque: " N'habite pas à l'adresse indiquée. " Ainsi qu'un avis de taxe d'1,35 €, pour défaut d'affranchissement. Bien sûr le facteur a fait son devoir et n'a guère le temps de s'émouvoir de toute cette détresse qu'il devine dans ces adresses les plus improbables qu'il doit lire par centaines. Je l'entends ronchonner d'ici:
--- Il y a un service entier consacré au Père Noël, en décembre, s'il faut en plus en consacrer un au Paradis...
Mais je ne peux m'empêcher d'imaginer Anaïs, dans sa détresse et sa solitude, regardant, abasourdie de chagrin, cette lettre qui lui dit que sa maman est inconnue au Paradis.